Les explications techniques d'Orange
Après avoir émis des hypothèses élémentaires (lors d'un précédent article) sur des raisons de la panne, nous avons eu quelques éléments de réponses ces derniers jours.
La première communication portait sur l'évocation de panne logicielle. Une panne logicielle ne permet pas de positionner le moindre problème, il ne s'agit qu'un argumentaire commercial pour rassurer les investisseurs et les clients : L'opérateur souhaite communiquer sur le fait que son réseau est correctement dimensionné et que le problème peut se résoudre sans aucun investissement supplémentaire et qu'en même temps la panne (logicielle) est arrivée sans pouvoir anticiper (sans alarme sur son réseau de supervision, alors qu'une panne matérielle peut être rapidement identifiée). C'est un peu comme si je vous disais que votre voiture à une panne logicielle, ce n'est ni une pièce mécanique, ni un problème électrique, c'est presque comme si c'était un soft qu'il "faudrait remettre à jour".Rassurant non? Pas convaincant.
Seulement, on est curieux et on ne pouvait pas se contenter de cette explication. Sur RTL, le PDG d'Orange a détaillé la cause de ce problème :
" La panne est lié à un «dysfonctionnement logiciel» dans des équipements gérant «la signalisation des appels.
Cet incident inédit par son ampleur est «lié à un dysfonctionnement logiciel ayant affecté un type d'équipement très particulier qui a eu cet effet très important parce que c'est un équipement du coeur de réseau», selon M. Richard. Il écarte toute idée de saturation du réseau mobile d'Orange due à un trafic trop important."
Avant d'expliquer cette réponse, selon les sources indépendantes, il semble juste d'affirmer que le réseau d'Orange est suffisament dimensionné à ce jour pour gérer le trafic de tous ses utilisateurs malgré l'augmentation régulière de ce trafic (1).
Dysfonctionnement logiciel» dans des équipements gérant «la signalisation des appels
Le réseau mobile se divise en plusieurs sous réseaux :
- BSS : le sous système radio constitué de la partie visible du réseau pour l'utilisateur (Téléphone, carte SIM, Antennes relais - station de base) et d'un controleur (BSC ou RNC)
- NSS : Sous sytème réseaux ou coeur réseau (CN) est composé de commutateur circuit pour la voix (MSC) et de commutateur paquet (SGSN) pour les données et des passerelles (GMSC/GGSN)
Pour revoir les éléments du réseau, je vous invite à consulter la page traitant de l'évolution technique de la 2G à la 4G ou à récupérer ma présentation pour Les journées du Numériques - 5 juillet 2012.
Les MSCs dans le coeur réseau ont/avaient pour rôle
- l'interconnexion avec les autres réseaux (réseau téléphonique classique par exemple)
- la coordination des appels
- le choix du routage et de la communtation
Depuis cette première configuration, la release R4 é été proposée comme amélioration du réseau GSM et 3G. L'objectif est de faire évoluer le rôle du MSC en deux sous partie, un commutateur matériel soumis au contrôle d'un serveur.
Ce concept est développé dans les articles traitant du NGN. Il peut y avoir une panne logicielle sur les MCS-S (Serveur de MCS nommé softswitch) seulement si tel est le cas la panne reste régionale et non nationale.
En effet, pour bien comprendre le principe prenons l'exemple du réseau ferroviaire avec des TGV (3G+, H+), des TER (GSM, GPRS). Le guidage des trains (commutation) s'effectue via l'aiguillage des voies. Supposons un contrôleur sur chaque aiguilleur, on est dans la configuration ou le MSC fait le routage. Centralisons maintenant la commande des aiguilleurs sur un PC central, le PC ne fait que commander les aiguilleurs. C'est le rôle du MSC-S.
Vous achetez votre billet, un billet electronique. Le contrôleur arrive et supposons que l'accès à la base de données n'est plus accessible, le contrôleur ne peut plus vérifier votre billet. Pourtant l'aiguillage fonctionne, on vous dirige vers le bon endroit mais votre ticket n'étant pas validé, on vous refuse l'accès au train. Si le HLR ou le AuC n'est pas accessible, le réseau refuse votre mobile.
Reprenons maintenant les propos du PDG Stephane RICHARD
" La panne est lié à un «dysfonctionnement logiciel» dans des équipements gérant «la signalisation des appels.
Cet incident inédit par son ampleur est «lié à un dysfonctionnement logiciel ayant affecté un type d'équipement très particulier qui a eu cet effet très important parce que c'est un équipement du coeur de réseau», selon M. Richard. Il écarte toute idée de saturation du réseau mobile d'Orange due à un trafic trop important."
Les équipements gérant la signalisation des appels (c'est à dire informe le réseau que vous souhaitez passer un appel sont le BSC (accès radio), le MSC, le VLR (HLR local), le HLR et des éléments du réseau intelligent (IN CAMEL).
Nous éliminons le problème du BSC (local et situé dans le sous système radio), du MSC (régional), le VLR (associé au MSC) et le centre AuC associé au HLR. Ce dernier(AuC) ne gère pas la signalisation. Il semblerait donc qu'on s'achemine sur un problème logiciel avec le HLR? Il s'agit effectivement d'un équipement particulier du coeur du réseau (CN).
En fait, je ne vous ai pas tout dit ici. Si on reprend le précédent article, je parlais aussi de la taxation (repensez au controleur). Dans le réseau, il existe un équipement chargé de la taxation et de la QoS.
Diameter
Après réflexion, il est fort à parier que la panne vient de ce serveur et l'évolution du réseau vers la 4G. Diameter est non seulement chargé de la gestion de la taxation et de la QoS mais est aussi le remplacement de la fonction MAP, c'est à dire de la gestion de la mobilité par un réseau IP. Dans ce cas, il est nécessaire de mettre en place une évolution des protocoles SS7/MAP vers Diameter (panne logicielle ou incompatibilité logicielle)? Ce petit paragraphe nécessite des explications
Un autre chapitre sera prochainement dédié à Diameter, un élément clé vous l'aurez compris dans l'évolution du réseau NGN.
Rapport de l'ARCEP :
(1) Les clients des opérateurs mobiles affichent, ce premier trimestre 2012, des niveaux de consommation en forte progression : +5,2 % en un an pour la " voix ", un taux rarement atteint depuis 2007, +30,6 % pour le volume de SMS et +73,4 % pour le volume de données. Cette tendance est soutenue par une croissance annuelle des forfaits mobiles " voix-data " (+7,0 % en un an) très dynamique, progressant de trois points en un trimestre. Le nombre de clients des services sur réseaux mobiles en France (cartes SIM en service) s'élève ainsi à 69,5 millions à fin mars 2012 (+4,0 millions de cartes), soit un taux de pénétration de 106,5 % en augmentation de six points en un an.