Dans un de mes premiers articles, j'expliquais l'explosion du trafic data et de ce fait un déséquilibrage entre la source de revenu des opérateurs (Voix) et les dépenses liées à la mise en place et à l'exploitation de l'infrastructure réseau (Data).
La voix représente aujourd'hui que 20% du trafic, la data 80%. La voix, les SMS et les MMS sont facturés par l'opérateur, lequel possède le service de facturation (Billing), mais les opérateurs n'ont pas l'exclusivité sur les services payants vendus par les Markets des entreprises comme Microsoft, Apple, Android, ...
De ce fait, le marché est maintenant dominé par les services, mais pour profiter des services, il faut une infrastructure réseau stable (Bonne qualité, débit, latence, ...). La difficulté est la suivante : Les opérateurs ont en charge le réseau, les société de services profitent du réseau et s'accaparent le marché.
Une solution : Les opérateurs factureront le client ou directement impacteront un pourcentage au CA des sociétés de services pour garantir le réseau (Débit, latence, voire prioriser les flux). On peut ainsi imaginer des accords entre un opérateur et une société de service, définissant un pourcentage de revenu vers l'opérateur pour chaque service vendu. En échange, l'opérateur garanti un bon trafic voire priorise ses flux vers les utilisateurs ayant souscrit les services de la société.
Je vous renvoie vers l'article d'Olivier Chicheportiche publié sur ZDnet France:
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Débat - La data représente désormais 80% du trafic des opérateurs mais seulement 20% de leurs revenus. Cherchez l'erreur. De nouvelles pratiques tarifaires devront être mises en place, impactant mécaniquement la Neutralité du Net.
Montpellier - Le pire cauchemar des opérateurs est-il en train de devenir réalité ? Sont-ils en train de se transformer en bêtes tuyaux à peine valorisées ? Cette perspective angoisse les géants du secteur qui ont à nouveau tiré la sonnette d'alarme lors du DigiWorld de l'Idate qui se tient cette semaine à Montpellier.
Il faut dire que le transfert de valeurs est patent. A part l'infrastructure réseau, les opérateurs perdent la main sur les domaines à forte valeur ajoutée qu'ils contrôlaient jalousement depuis des années : les plates-formes (de facturation par exemple avec iTunes ou logicielles avec iOS et Android), et les services (Skype, Viber, What's App et les autres).
"Sans nos réseaux, les smartphones sont de jolis presse-papier"
Depuis quelques années, la situation empire, selon eux. "Apple et Google exercent un contrôle de plus en plus de la chaîne de valeurs, ils équiperont 60 à 80% des smartphones en circulation en 2015", s'alarme Michel Combes, patron Europe de Vodafone.
"Le danger, qu'ils priorisent, qu'ils créent de nouveaux modèles économiques et commerciaux captifs qui viendront assécher la capacité d'investissements des opérateurs. Or, sans réseaux, les smartphones sont de jolis presse-papier", poursuit le CEO.
Un constat évidemment partagé par Jean-Bernard Lévy, P-DG de Vivendi (SFR notamment) : "Nous devons investir toujours plus, or la charge du trafic ne peut plus être supportée par nous seuls. Les services 'over the top' doivent participer à l'effort car ils sont les premiers à bénéficier des réseaux. Et il faut ajouter la fébrilité taxatrice, voire castratrice du gouvernement qui pèse sur notre capacité à investir. Ces décisions sont nuisibles pour la croissance en France et en Europe".
"La fébrilité taxatrice, voire castratrice du gouvernement"
Ce transfert de valeurs impacte directement le modèle économique des opérateurs. Si la data représente désormais 80% du trafic, il génère seulement 20% des revenus (contre 80% pour la voix qui génère donc 20% du trafic). Cherchez l'erreur.
Michel Combes en appelle donc aux autorités de régulation. "Aux régulateurs d'être aussi attentifs au respect de la concurrence et aux menaces de concentration pour les acteurs du Web que pour nous !", tonne-t-il.
Une approche que les géants du Web pourront percevoir comme simpliste même s'il est vrai qu'ils ne participent quasiment pas aux financement des réseaux qu'ils utilisent. D'ailleurs, les opérateurs ont compris depuis quelque temps qu'ils devaient réagir. Mais le font-ils dans le bon sens ?
On pourra s'interroger sur leur volonté de relancer des services maison concurrents des applications stars des géants du Web. Cela n'a jamais marché, pourtant Michel Combes y croit. "Nous apportons l'interopérabilité entre les OS, c'est une valeur ajoutée pour l'utilisateur", avance-t-il.
"La Neutralité, un concept sympathique mais qui privilégient ceux qui investissent peu"
On peut également s'interroger sur l'initiative WAC, sorte de portail commun multi-opérateurs et fabricants, interopérable et censé concurrencer les magasins d'applications des Apple et autres Google. Annoncé il y a presque deux ans, WAC (pour Wholesale Applications Community) tarde à devenir une réalité.
Les opérateurs devront innover pour de bon avec de vrais services qui permettent de se démarquer. Mais surtout, le gros du rattrapage se fera par les tarifs. "La donnée c'est l'avenir de notre industrie, son prix doit refléter les investissements dans le réseau et le spectre", souligne Michel Combes.
Traduction : les plans de facturation différenciés vont devenir la norme. Elles ne reposeront pas seulement sur le volume mais surtout sur la qualité de service, l'expérience client, les services.
Des approches tarifaires différenciées selon la qualité de service
Une chose est sûre, dans les prochains mois, les prochaines années, les opérateurs proposeront des forfaits basiques qui ne permettront que de surfer ou de relever ses mails.
Pour la vidéo et la musique en streaming, pour la garantie de vitesse aux heures de pointe, pour le débit : il faudra payer le prix fort. La sauvegarde des finances de nos chers opérateurs est à ce prix.
Reste que cette approche tarifaire aura fatalement une incidence sur la Neutralité du Net avec un Web 'best effort' ouvert et gratuit et des services managés payants. Mais cette perspective ne semble pas choquer outre-mesure chez les opérateurs.
"La Neutralité est un concept sympathique mais qui privilégie les grands acteurs mondialisés qui investissent peu", indique Jean-Bernard Lévy qui annonce ainsi clairement la couleur.